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Environ 3 % des enfants naissent avec une malformation congénitale. Certaines sont bénignes et d’autres moins. Un peu moins d’un tiers des ces malformations soit 8‰ naissances sont cardiaques. Pour la Belgique, cela signifie que chaque année, à peu près 1200 bébés naissent avec une cardiopathie. Parmi celles-ci, environ la moitié nécessite une prise en charge thérapeutique en bas âge. Le reste est soit bénin, soit nécessite une prise en charge différée, parfois à l’âge adulte. Parfois, les malformations cardiaques ne sont pas isolées et s’accompagnent d’anomalies extracardiaques (anomalies urinaires, fente labiale, anomalie squelettiques, etc…) ou d’anomalies chromosomiques (trisomie 21, microdélétion 22q11, etc…). L’observation d’une anomalie cardiaque justifie donc souvent une mise au point générale et la réalisation d’une analyse des chromosomes (caryotype), en fonction des éventuels signes d’appel. Les malformations congénitales représentent l’essentiel des problèmes cardiaques chez l’enfant.
Beaucoup plus rarement sont rencontrés les maladies cardiaques acquises. La fréquence des ces anomalies cardiaques acquises de l’enfant varie cependant grandement d’une région à l’autre du Globe. En effet, la grande majorité de ces pathologies sont liées à un processus infectieux, qu’il soit bien défini comme dans le rhumatisme articulaire aigu et ses séquelles valvulaires (le streptocoque bêta-hémolytique du groupe A) ou qu’il soit encore incertain comme dans le syndrome de Kawasaki et sa pathologie des artères coronaires. Ces affections, assez rares chez nous à l’heure actuelle, sont beaucoup plus fréquentes dans d’autres régions, soit pour des raisons d’hygiène, soit pour des raisons encore inconnues.
Les troubles du rythme : Les anomalies de la fréquence cardiaque (cœur trop lent ou trop rapide) ou de la régularité du rythme (arythmie cardiaque) sont fréquentes chez les enfants porteurs de pathologie cardiaque. Plus rarement, les troubles du rythme peuvent se présenter chez des enfants dont le cœur est par ailleurs normal.
Les troubles fonctionnels : De nombreux enfants présentent au cours de la croissance, et malgré l’absence de pathologie réelle sous-jacente, des « anomalies fugaces » bénignes pour la plupart mais parfois spectaculaires : syncopes, douleurs thoraciques, souffle cardiaque etc… Ces pathologies fonctionnelles doivent être décrites et expliquées si l’on veut rassurer l’enfant et son entourage.
Le cœur "anormal" : comment se présentent les anomalies cardiaques ?
Beaucoup de malformations cardiaques sont bien tolérées à la naissance mais d’autres sont d’emblée mal tolérées. Dans les premiers jours de vie la tolérance peut être changeante en rapport avec la fermeture plus ou moins tardive du canal artériel et du foramen ovale et l’adaptation progressive des poumons à la nouvelle circulation (baisse des résistances pulmonaires). Certaines cardiopathies peu ou pas symptomatiques à la naissance peuvent s’aggraver et se manifester davantage à un âge plus avancé. D’autres malformations, comme par exemple une communication interventriculaire, peuvent s’arranger spontanément (fermeture spontanée) et les symptômes peuvent donc disparaître. |
A l’heure actuelle, dans nos pays, il est très rare qu’une malformation significative passe inaperçue en bas âge. Cependant, la symptomatologie du nourrisson cardiaque est variée et complexe et parfois trompeuse. Devant tout signe suspect, il est préférable de réaliser immédiatement une consultation cardiologique pédiatrique spécialisée avec échocardiographie de dépistage. Il n’en est pas de même chez le plus grand enfant, où l’examen clinique est beaucoup plus contributif et fiable que chez le petit nourrisson. Par ailleurs, les nourrissons avec malformation cardiaque sévère sont actuellement dans nos pays souvent dépistés in utero (c-à-d pendant la grossesse). De ce fait, le diagnostic est souvent établi avant l’apparition des signes d’appel.
Les modes de présentation peuvent être les suivants : |
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Le souffle cardiaque
Il existe dans le public une confusion entre « souffle au cœur » et « anomalie cardiaque ». Le souffle au cœur n’est rien d’autre qu’un bruit que l’on entend avec le stéthoscope : il s’agit du bruit que fait le sang en passant dans les chambres cardiaques et les artères. Ce bruit peut être normal s’il est le résultat du passage sanguin dans des chambres normales (« souffle fonctionnel ou innocent ») ou anormal s’il provient du passage du sang dans une anomalie structurelle (« souffle organique ») comme par exemple une communication anormale ou une valve rétrécie
Les souffles fonctionnels ou innocents sont fréquemment entendus bien que de façon variable en fonction de l’âge. La capacité de distinguer un souffle fonctionnel d’un souffle organique dépend fortement de l’expérience du pédiatre. L’échocardiographie étant un examen simple et anodin, la tendance actuelle est d’en demander la réalisation à la détection du moindre souffle, ou en tout cas en cas de doute.
Les souffles organiques résultent d’une lésion ou anomalie dans le cœur engendrant une accélération anormale du sang. C’est l’accélération qui génère le bruit anormal (comme l’eau au niveau d’un barrage). L’intensité, la localisation et le type de souffle peuvent varier en fonction de la lésion. L’intensité du souffle n’est cependant pas nécessairement liée à la gravité de la lésion sous-jacente. C’est ainsi qu’une petite communication interventriculaire, pathologie bénigne, peut engendrer un souffle important tout comme une tétralogie de Fallot qui elle est une lésion plus sévère. La présence d’un souffle sera d’autant plus révélatrice d’une pathologie qu’il s’accompagne d’autres symptômes.
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La cyanose
La cyanose, c’est-à-dire la teinte bleuâtre de la peau et des lèvres, résulte d’une insuffisance d’oxygène dans le sang artériel. Elle n’est pas toujours évidente et il est d’ailleurs rare que les parents la constatent eux-mêmes. Lorsqu’elle est stable et confirmée par un examen oxymétrique encore appelée mesure de la saturation (mesure non invasive, à travers la peau, de la quantité d’oxygène dans le sang au moyen d’un saturomètre) et qu‘elle persiste lors de l’inhalation d’oxygène, la cyanose est en général la signature d’une malformation cardiaque même s’il n’y a pas d’autre signe d’appel.
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La défaillance cardiaque
Le terme défaillance cardiaque est fréquemment utilisé en pédiatrie pour décrire une situation où le cœur ne parvient pas, à cause d’une anomalie, à assurer un débit de sang normal et suffisant pour l’organisme. Cet état se manifeste chez l’enfant par une polypnée (respiration ample et rapide) et de la dyspnée (essoufflement) lors des repas du petit enfant ou lors des efforts pour les plus grands, puis en permanence. Lorsque le nourrisson respire trop vite, les espaces entre les côtes se rétractent à l’inspiration : on parle alors de « tirage ». Cette situation engendre chez le nourrisson des difficultés d’alimentation avec retard de prise de poids. Lorsque le cœur défaille, il n’est plus capable de reprendre l’eau des tissus où elle s’accumule : le patient « gonfle » et c’est l’œdème généralisé. Chez le petit nourrisson, cet œdème n’est pas toujours bien visible et c’est le poids qui nous renseigne le mieux : une prise de poids importante et rapide est en effet rarement bon signe chez un bébé porteur d’une cardiopathie. La défaillance cardiaque s’installe en général très progressivement, sans accident aigu, sauf dans des obstacles du cœur gauche.
La défaillance cardiaque résulte le plus souvent d’une malformation qui engendre une augmentation sévère du débit cardiaque vers les poumons, aux dépends de la circulation vers le reste du corps (systémique), comme dans la large communication interventriculaire par exemple. Contrairement à ce que dit son nom, le fonctionnement du cœur y est trop intense. L’augmentation de la perfusion pulmonaire provoque un engorgement pulmonaire, d’où les difficultés respiratoires. Lorsque la malformation est corrigée, cet état disparaît rapidement dans la plupart des cas sans séquelle.
Moins souvent, la défaillance cardiaque provient d’une incapacité du muscle à vaincre un obstacle, comme un rétrécissement aortique par exemple (coarctation). Dans ce cas, le sang revenant des poumons revient difficilement vers le cœur et stagne dans les poumons : c’est l’œdème pulmonaire qui se traduit également par des signes respiratoires et la présence de râles pulmonaires à l’auscultation.
Beaucoup plus rarement (contrairement à l’adulte), la défaillance cardiaque résulte d’un fonctionnement inadéquat du muscle cardiaque, lié le plus souvent à une maladie du muscle soit virale soit génétique.
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Le choc cardiogénique
Le choc cardiogénique est un état de défaillance circulatoire sévère (débit cardiaque insuffisant) qui s’établit brusquement et met immédiatement en danger la vie de l’enfant. Souvent chez l’enfant dans cette situation, le muscle cardiaque n’est pas en cause, mais bien la pompe cardiaque : il existe une malformation qui empêche un des 2 ventricules, plus souvent le gauche, de se remplir ou de se vider ; il s’agit le plus souvent de malformations sévères d’une des 4 valvules ou d’un rétrécissement de l’aorte appelé coarctation.
En cas de choc l’enfant gémit, bouge à peine, est pâle, marbré et froid. La respiration est rapide et les pouls artériels sont peu palpables. La conscience est altérée. Le choc sévère ou prolongé peut être cause d’irrigation insuffisante du cerveau et de dégâts neurologiques. Fort heureusement, cette situation est de moins en moins souvent rencontrée grâce au dépistage prénatal qui permet d’anticiper le traitement.
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La découverte d’une anomalie du rythme
Il est rare qu’une anomalie cardiaque se signale uniquement par ce symptôme, mais il peut parfois être révélateur : le cœur peut être trop lent (« bradycardie »), trop rapide (« tachycardie ») ou irrégulier (« arythmie »). Notons aussi que ces pathologies peuvent aussi se présenter en l’absence de toute anomalie de la structure du cœur.
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Les douleurs précordiales et malaises à l’effort
Alors que c’est un des signes les plus fréquents chez l’adulte, les douleurs précordiales sont très rarement révélateur d’un problème cardiaque chez l’enfant. Néanmoins, certaines anomalies comme par exemple la sténose valvulaire aortique sévère peuvent se révéler par des douleurs à l’effort, voire des malaises à l’effort, témoin d’une mauvaise irrigation du cœur lors des efforts.
Notons que l’angoisse et le stress peuvent être chez l’enfant normal, surtout à l’âge de l’adolescence, à l’origine de douleurs précordiales. Un bon examen clinique, parfois associé à d’autres examens complémentaires permettront rapidement de rassurer le patient et ses parents.
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L’hypertension artérielle
Signe majeur chez l’adulte, il est peu présent chez l’enfant. Cependant la découverte d’une tension artérielle élevée chez l’enfant doit toujours être suivi d’une mise au point à la recherche d’une étiologie (cause) car l’hypertension artérielle n’est qu’exceptionnellement idiopathique (= ‘sans cause’) chez l’enfant, contrairement à l’adulte. La coarctation de l’aorte, rétrécissement de l’aorte localisé dans la partie thoracique descendante, peut ainsi se révéler principalement par de l’hypertension. Il est important de rappeler que les valeurs normales de tension artérielle sont différentes chez l’enfant par rapport à l’adulte et qu’une valeur de tension doit donc toujours être interprétée en fonction de l’âge.
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Combinaison de plusieurs signes
On le comprendra sans peine, les malformations importantes entraînent souvent une combinaison de symptômes : souffle et cyanose, souffle et défaillance cardiaque, etc… Pris isolément, chaque symptôme peut avoir une cause extra-cardiaque, mais il est rare qu’une combinaison de plusieurs symptômes ne signe pas une cardiopathie.
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Absence de signes d’appel et diagnostic tardif
Il n’est pas exceptionnel qu’une malformation importante n’ait pas de signe d’appel à la naissance, soit que la transition vers la circulation extra-utérine ne soit pas encore accomplie, soit que la combinaison des malformations présentes établisse un état d’équilibre compatible avec une vie normale pendant quelques mois, voire quelques années.
C’est ainsi que, à l’extrême, certaines malformations complexes restent compatibles avec une vie quasi-normale à l’âge adulte et sont encore aujourd’hui parfois diagnostiqué tardivement. Ces situations se rencontrent de moins en moins grâce au dépistage anténatal.
Par ailleurs, il existe une série d’anomalies dites mineures qui ne donnent pas ou peu de signes d’appel en bas âge et qui se manifestent plus tardivement ; elles sont généralement dépistées par l’inspection médicale scolaire : les CIA, les coarctations peu serrées, les bicuspidies aortiques sont parmi les plus fréquentes mais il en existe d’autres plus rares. Il serait vain de faire le reproche d’une erreur de dépistage précoce car ces anomalies sont parfois totalement silencieuses chez le nourrisson.
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